TÉMOIGNAGE
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Après un accouchement sous X, une mère finit par changer d’avis :
Pour elle la naissance de Nicolas a été une surprise. Alors quand il est né, Sabine a préféré le confier, avant de se raviser, in extremis…
[… ] » Mon petit garçon a fêté ses 9 mois loin de moi, se désole-t-elle. C’est le temps qu’il m’a fallu pour me sentir prête à être mère ! » Neuf mois, le temps d’une grossesse…Sauf que Sabine est complètement passée à côté de cette étape. Elle n’a ressenti aucune nausée, et son corps s’est à peine épaissi[…]Le 3 novembre 2008, cette jeune femme de 30 ans a accouché seule, chez elle, sans comprendre ce qui lui arrivait. Un vrai déni, total, de grossesse.[…] Ce n’est qu’en perdant les eaux que Sabine a compris ce qui se passait. « J’ai tout de suite appelé le SAMU , en les attendant, je me suis accroupie et mon bébé est descendu lentement, avant que l’ambulance n’arrive. Heureusement il s’est bien présenté et il n’y a pas eu de complications. C’est un garçon. »
Accouchement sous X
Sabine ne se sent pas prête à devenir mère. Elle ne veut pas nouer de lien avec le bébé et décide d’accoucher sous x. « C’est la seule décision qui me semblait raisonnable. » A l’époque, elle vit toute seule, séparée du père du bébé. Il n’est pas question qu’il reconnaisse l’enfant. Employée dans l’hôtellerie, Sabine travaille 7 jours sur 7. Elle a même quitté son logement à cause de travaux. « Comment aurais-je pu accueillir un bébé dans ces conditions, du jour au lendemain. Mon premier réflexe a été de vite m’en séparer. » Après s’être entretenue un moment avec une assistante sociale et une psychologue, elle prend sa décision. Elle veut vraiment rompre le lien. Sabine comprend que son anonymat sera préservé si elle le souhaite.
Elle apprend aussi que le droit français prévoit pour l’enfant, la possibilité de retrouver sa mère biologique à l’âge de 18 ans. « On m’a expliqué que mon fils pourrait demander à me voir à sa majorité et que je pourrais alors le rencontrer si je le souhaitais. Mais avant cela, on m’a surtout dit et redit que j’avais 2 mois pour me rétracter. »
« Il s’appellera Nicolas »
Sabine acquiesce. Ce qu’elle veut surtout, c’est reprendre le cours de sa vie comme avant. Avant de laisser son enfant, elle choisit juste son prénom : il s’appellera Nicolas. « Évidemment, quand j’y repense, je mesure à quel point j’étais déjà attachée à lui sans le savoir… » Le choix de ce prénom n’a rien d’anodin : c’est celui de son grand-père adoré et c’est aussi le masculin de sa maman , Nicole. D’une certaine façon, l’enfant fait déjà partie de la famille…
Sabine n’oubliera jamais Nicolas : elle se rend à l’évidence pendant les fêtes de Noël. tandis que ses proches qui ne savent rien de ce qui lui est arrivé, l’entourent de leur amour, elle craque. « Je me suis d’abord confiée à ma belle sœur qui m’a conseillé d’en parler sans tarder. « Pour la première fois depuis son accouchement, elle n’est plus seule. « On est avec toi » lui promet son frère. « Je crois bien que sans eux jamais je n’aurais eu le courage de me battre, observe Sabine. Ils m’ont donné la force de revenir sur ma décision . » Elle a jusqu’au 4 Janvier pour se raviser. Le 26 décembre, sa décision est prise et elle appelle les services sociaux. « On m’a expliqué les démarches à suivre. Le jour même, j’ai couru à la mairie pour reconnaître Nicolas et j’ai heureusement pu le récupérer. J’étais soulagée, heureuse…. »
Un changement de vie s’impose
Malheureusement, tout n’est pas si simple. Car si son élan est sincère, Sabine n’a pas vraiment eu le temps de changer de vie en 2 mois : toujours célibataire, elle est encore employée dans un hôtel aux horaires contraignants. [….] Trois mois plus tard, les services sociaux décident de placer l’enfant en pouponnière. « Même si cette décision a été douloureuse, je sais aujourd’hui qu’elle a été prise dans l’intérêt de Nicolas. On m’a bien répété que je restais sa mère, que je pourrais le récupérer quand je serai vraiment prête. »
« Son fils c’est sa vie »
Seule consolation pour Sabine : le lien ne sera pas rompu entre la maman et le bébé. Elle commence par le voir une heure trente par semaine. Puis plus longtemps. Des matinées entières, parfois. Avec le temps, la jeune maman ne vit plus que pour cela. Ces instants là… son fils… c’est sa vie. « On dit parfois tant de mal des services sociaux que j’ai envie de rétablir une vérité. La mienne du moins. Dans mon cas, cette période a été essentielle pour me reconstruire. Nicolas n’a pas souffert et n’a jamais douté que j’étais sa mère. Il vivait entouré de photos de moi. « Ébranlée par son déni de grossesse et par cet enfant inattendu, Sabine apprend peu à peu, à devenir maman. Elle prend le temps d’assumer le rôle, d’habiter la fonction. Elle prend enfin toutes les dispositions qu’elle aurait dû prendre pendant le congé de maternité qu’elle n’a pas eu. « Il fallait surtout que je change de travail et que je trouve un logement plus convenable pour un enfant. Sabine y croit. Et elle est d’autant plus motivée qu’elle vient de retrouver l’amour avec Mickaël, un vieil ami et un des rares dans la confidence. « Il m’a toujours soutenue, jamais jugée. » Leur amour est aussi né de cette épreuve. « Je n’oublierai jamais la première fois où je l’ai vu donner le biberon à Nicolas…. Pour moi, c’était un vrai test. Ce jour-là, j’ai l’impression qu’ils se sont reconnus, aimés immédiatement. » Sabine est bouleversée quand Mickaël lui propose d’élever son fils avec elle. A-t-elle déjà reçu plus belle preuve d’amour ? « Jamais » répond-elle. Et si le vent commençait à tourner ?
En famille
En quelques mois à peine, Sabine change complètement de vie et elle attend avec impatience d’élever son fils à plein temps. [….] Le rapprochement entre la mère et l’enfant se précise et Sabine récupère finalement Nicolas sur décision de justice en avril 2010. « On m’a annoncé la décision un mercredi à 9h. » se souvient Sabine. Sans doute l’un des plus beaux jours de sa vie. « Le vendredi il était à la maison. » En famille avec un papa et une maman.
Sabine sait bien qu’un jour, elle devra raconter son histoire à Nicolas. Elle lui expliquera, avec des mots simples, qu’il est arrivé dans sa vie par surprise et qu’elle n’était alors pas tout à fait prête à l’accueillir. Elle lui dira aussi comment elle a appris à devenir mère. Comment elle a choisi un papa pour lui. Un papa qui comme elle, l’aime par-dessus tout. Sabine n’a pas honte de son histoire. Elle sait bien que cela arrive chaque année à bien d’autres femmes qui n’ont pas toutes la chance d’être aussi bien entourées qu’elle. Si elle a accepté de témoigner c’est aussi pour rendre hommage aux personnes des services sociaux qui l’ont aidée et accompagnée tout au long de cette période, pendant son apprentissage de la maternité.
Être mère, est-ce que ça s’apprend ?
Ça se prépare un peu, en tous cas. Aujourd’hui elle le sait. « La loi est bien faite. Grâce à l’accouchement sous x on peut donner une chance dans la vie à un enfant qu’on ne veut ou qu’on ne peut assumer. Mais elle donne aussi heureusement assez d’espace pour changer d’avis. C’est très important d’avoir le choix. »
Aujourd’hui, la vie de Sabine n’est plus la même. En congé parental, elle regarde grandir son fils avec tendresse. Elle ne veut plus perdre une miette de sa vie. Bientôt, il va apprendre à parler, aller à l’école. En septembre, Nicolas assistera au mariage de ses parents. Ce sera une vraie fête de famille ? Et, si tout va bien, Sabine espère lui donner un petit frère ou une petite sœur très bientôt. Cette fois-ci, elle profitera , elle l’espère plus sereinement de sa grossesse. Car aujourd’hui, elle a confiance en elle et en la vie. « Je suis heureuse », résume cette jeune maman. C’est une renaissance !
Extrait d’un article paru dans « C’est dit » N° 11 août-septembre 2011