"Tout le monde voulait que j'avorte"
« On avait 16 ans, c’est [Sébastien] qui a parlé en premier d’un bébé. Il voulait vivre sa vie avec moi. On pensait qu’on serait plus heureux en faisant une famille. Ma mère ne l’aimait pas, ils s’insultaient. (…) Je suis tombée enceinte, je l’ai dit en premier à Sébastien. Il m’a serrée dans ses bras, on était heureux, on n’a jamais été aussi heureux que ce jour-là.
« Tout le monde voulait que j’avorte »
Pour le début de ma grossesse, lui, il était en prison. Tout le monde était contre moi, le gynécologue qui m’a engueulée, ma mère, mes tantes. Tout le monde voulait que j’avorte, elles étaient tout le temps sur moi, une pression dingue. Je faisais des crises de nerfs. J’ai fait l’inscription pour l’IVG et je ne suis pas allée au rendez-vous. Je voulais assumer cet enfant et l’avortement c’était tuer quelqu’un en moi, ça m’aurait détruite.
La vie avec ma mère n’était plus possible mais je n’arrivais pas à la quitter, c’est le juge qui m’a obligée à venir [dans un centre d’hébergement, à Brest] : il m’a dit que, si je ne faisais pas des efforts, on allait me retirer mon bébé, qu’avec le père on avait intérêt à arrêter nos conneries. Ici, je me suis posée, j’ai pris du recul. J’ai compris que ma mère vivait mal que je lui échappe, elle pensait que j’allais lui laisser mon enfant et qu’il allait confondre maman et mamy.
La mère de Sébastien a accouché quelques semaines avant moi.
« J’ai eu besoin de vivre l’histoire avec ma fille »
A la naissance, tous ceux qui m’avaient tourné le dos sont revenus (…). J’ai eu besoin de fermer les portes, de vivre l’histoire avec ma fille. A la fin de la grossesse, je lui parlais beaucoup, je continue, je lui fais l’album de photos de sa vie. (…)
Dans la rue, les gens me regardent de travers, (…) je leur dis juste : » Oui, c’est mon enfant et c’est ma vie. » C’est dur d’être maman. Il faut tout le temps être prête pour elle, quand elle pleure pour rien et que je suis fatiguée, alors là je souffre. Je craque mais je le cache. Il faut rester calme parce que l’enfant ressent tout. Mais le matin, tu la vois, elle te fait un grand sourire, tu oublies tout. Pour moi, le meilleur moment c’est le bain, tous les soirs à 19 heures, c’est un moment magique.
« Quand c’est non c’est non ! »
Je ferai tout pour que ma fille ne fasse pas les conneries que j’ai faites, je ferai très attention à ses fréquentations, je serai beaucoup plus sévère que ma mère : quand c’est non, c’est non. (…)
Je ne vois plus mes copines du collège, on n’a plus les mêmes centres d’intérêt, sortir en boîte. Ça m’a intéressée, mais là ça ne m’intéresse plus.
Ce qui est dur ce n’est pas d’être adolescente et maman, c’est de ne pas être avec le père. J’étais trop jeune quand j’ai choisi le père, je ne suis pas tombée sur le bon. Si j’avais réfléchi à toute la longue vie qui nous attendait tous les trois, j’en aurais choisi un autre. Là, il va bientôt repartir en prison. Mais en même temps, si le père n’était pas Sébastien, Soraya serait une autre personne et c’est Soraya que j’aime. ».
Lynda, Libération